À Aurillac (Cantal), des boulangers ont peut-être la solution pour mettre d’accord partisans du pain au chocolat et de la chocolatine

Pain au chocolat ? Chocolatine ? Selon qu’on la savoure dans le Sud-ouest ou ailleurs, la viennoiserie fait souvent débat : pas tant pour sa composition et son intérêt nutritionnel que pour son petit nom. À Aurillac, deux boulangeries – au moins – s’en amusent et proposent une version revisitée du « pain au chocolat ». Les puristes de la viennoiserie à la pâte feuilletée au beurre s’arracheront peut-être les cheveux, mais les gourmands y trouveront sans doute leur compte !

La guerre entre adeptes du pain au chocolat et défenseurs de la chocolatine aura-t-elle lieu ? Alors que le débat, lui, fait rage depuis des lustres dans l’Hexagone et selon les régions où l’on ne parle que de l’un et l’on se moque de l’autre, des Cantaliens, pas belliqueux pour un sou, ont peut-être trouvé la solution pour rabibocher tout ce petit monde. Et la trêve aurait un délicieux petit goût de pain blanc… et forcément de chocolat !

À la boulangerie Banette de la SARL Saint-Paul pain, à la Ponétie, à Aurillac, on le nomme Tradi’choc. À quoi ressemble-t-il ? À du pain…. avec deux belles barres de chocolat noir qui le fendent de part en part. Pas loin, de l’autre côté de la vitrine, trônent les chocolatines. Mais les deux n’ont rien à voir.

Si à Saint-Flour, à l’Est du département, c’est « pain au chocolat » qui fait l’unanimité, dans la préfecture du Cantal, on se sent, sans doute, plus occitan et c’est le terme chocolatine qui l’emporte. Et qui l’a toujours emporté.

Saint-Flour/Aurillac : une même viennoiserie, deux noms

Dans une carte dressée par Mathieu Avanzi, maître de conférences en linguistique française, dans son Atlas du français de nos régions, (©Armand Colin) le département du Cantal apparaît d’ailleurs fendu en deux : partagé entre deux habitudes linguistiques, deux traditions, deux façons de nommer une même viennoiserie : et c’est d’ailleurs le seul département qui apparaît aussi partagé, aussi tiraillé et contrasté ! À l’ouest du département, tout comme à Toulouse et à Bordeaux, on privilégie chocolatine. Plus à l’Est, on déguste un pain au chocolat. C’est comme ça…

Vous avez dit chocolatine ?

À Aurillac, à la boulangerie Banette de la Ponétie, on est bilingue… Si, dans la vitrine, une petite carte indique « chocolatine », Danielle Raoux, responsable des ventes au magasin, sait parfaitement qu’elle va avoir affaire aux deux dénominations.

« Je ne reprends pas les clients quand ils me demandent un pain au chocolat. Bien sûr. Mais c’est vrai qu’à Aurillac, on dit chocolatine. »

Depuis quelques mois, la boulangerie a encore corsé le choix, pour les consommateurs, en proposant un petit pain, garni de chocolat. À l’origine ce n’était pas tant pour tenter d’enterrer la hache de guerre entre les partisans d’un clan et ceux de l’autre, ni même pour surfer sur la guérilla entre ces deux parties. Mais « pour proposer autre chose, compléter l’offre », insiste le boulanger Cyril Lacoste.

Les deux cohabitent parfaitement

Et ça fonctionne bien, puisque les « Tradi’chocs » partent comme des petits pains au magasin de la Ponétie, dès 8 h 30 chaque matin. « On vend très bien les deux. Même si l’on fabrique toujours davantage de chocolatines, le Tradi’choc à bien la cote. Il a trouvé son public, sans problème », soutient Danielle Raoux.

À la Ponétie à la SARL Saint-Paul pain, de Christophe Audissergues, la Tradi’choc est ni plus ni moins du pain tradition, et du chocolat !

Ressemblance et différences

« Ce n’est pas le même produit ni le même travail, du tout. La seule ressemblance ce sont les deux barres de chocolat, dans la chocolatine et dans le Tradi’choc. Celui-ci, c’est vraiment du pain et du chocolat. C’est la même pâte que nos baguettes « tradition ». À la fin de la cuisson, quand la baguette sort du four, à 230°C, on la coupe en quatre tronçons, et l’on glisse deux barres de chocolat dans chaque petit pain. À l’inverse de la chocolatine, où les barres de chocolat sont glissées dans la pâte feuilletée et passent au four pour la cuisson », détaille le boulanger.

À la boulangerie Banette de la Ponétie, on fait plus de chocolatines que de Tradi’Choc. Les deux cohabitent sans rivaliser.

Plus digeste, moins lourd et moins calorique que la chocolatine dont le feuilletage contient beurre, sucre et lait, le Tradi’choc serait donc LE véritable pain au chocolat, « parce que c’est du pain et du chocolat. Tout simplement », résume en souriant Danielle Raoux l’Aurillacoise. Et peut-être l’ultime chaînon manquant entre le pain au chocolat et la chocolatine ?

« Vous avez du pain ? Vous avez du chocolat ?…»

Une version que ne viendraient pas contredire Éric et Marilyne Llinares, de la boulangerie du même nom, rue Victor-Hugo, à Aurillac. Éric, le boulanger-pâtissier propose bien des chocolatines. Et, plus loin, des pains au chocolat. Mais là encore, les deux n’ont évidemment rien à voir.

Le pain au chocolat de la maison Llinares, rue Victor-Hugo; à Aurillac. C’est écrit dessus, c’est du pain, et du chocolat. Point.

Là, le boulanger a clairement joué avec le nom de la viennoiserie et s’amuse de la rivalité entre habitants du Sud-ouest et… le reste du monde pour mettre au point une gourmandise maison qui affiche le plus simplement du monde la couleur : il s’agit de pain, avec ses traces de farine, et de chocolat. Comme le plus simple des goûters. C’est d’ailleurs en pensant à ce genre de « quatre heures », très simple, que l’idée est venue au couple Llinares, en titillant joyeusement le côté régressif de celles et ceux à qui l’on a donné du pain et un morceau de chocolat pour le goûter…

Au premier plan des chocolatines ; juste derrière les pains au chocolat de la maison llinares. Photo Jérémie Fulleringer

« Il arrivait souvent, en milieu d’après-midi, qu’on nous demande si l’on faisait ce genre de choses : juste du pain et du chocolat. L’idée était bonne : on a décidé d’en proposer, avec notre pain tradition. Pour le nom, on s’est un peu amusé. C’était tentant de faire un petit pied de nez à ceux qui appellent « pain au chocolat », une chocolatine » , lance, amusée, Marilyne l’Aurillacoise.

Marilyne Llinares :

« On a lancé notre version du pain au chocolat en novembre. Cette fin d’année, on a eu pas mal de Parisiens, qui reviennent passer les fêtes en famille : ça les a fait tiquer ! Ils nous en ont beaucoup parlé. Ils étaient un peu piqués qu’on s’amuse avec ce nom. »

À la boulangerie Llinares aussi, les pains au chocolat maison se sont vite fait une place et sont très prisés, finalement à toute heure de la journée. « Il arrive parfois qu’on demande à nos vendeuses un pain au chocolat. Machinalement, certaines tendent une chocolatine et les clients les arrêtent vite en disant que non, ce n’est pas ce qu’ils voulaient ! Que s’ils avaient voulu une chocolatine, ils auraient demandé une chocolatine ! C’est quand même drôle ! »

Chocolatine ? Pain au chocolat ? Difficile de trancher, les Aurillacois croquent donc dans les deux.

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